« Il faut réussir l’expérimentation du Smart Grid puis généraliser cette technologie »
par 27.05.09
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Philippe Vié Directeur Associé Energy Utilities Capgemini Consulting
Second article de notre dossier consacré au Smart Grid. Directeur Associé Energy Utilities chez Cap Gémini, Philippe Vié est un observateur attentif du déploiement des réseaux intelligents en Europe et en Amérique du Nord. Il revient pour Cleantech Republic sur les potentiels technologiques et économiques du Smart Grid.
Cleantech Republic : Comment expliquer l’engouement pour les réseaux de distribution intelligents ?
Philippe Vié : Disons qu’au-delà du retard relatif sur les réseaux de transport, plus modernes, il y a plusieurs facteurs déclenchants comme le développement des énergies renouvelables, le souhait de voir baisser les émissions de Gaz à Effet de Serre, la volonté d’améliorer le fonctionnement du marché électrique et de réduire les coûts d’exploitation des réseaux. Un des gros avantages de ces technologies de réseaux intelligents, c’est qu’elles offrent une meilleure efficacité énergétique en permettant l’ajustement des consommations d’électricité et la réduction des pertes techniques.
Dès lors qu’attendre du « Smart Grid » ?
Il faut déjà savoir que ce terme recouvre des réalités diverses. Il désigne à la fois le Smart Metering pour les équipements communicants de mesure de la consommation et de l’injection (comptage évolué), le Smart Home pour la gestion domestique de l’énergie et plus globalement le Smart Grid c’est-à-dire des infrastructures globales intelligentes qui permettent d’optimiser l’acheminement de l’électricité entre les producteurs et les consommateurs. Ceci dit, nous ne savons pas encore quel est le potentiel économique de ces technologies. Nous n’avons pas encore assez de retours sur les premières expérimentations qui ont été lancées. La réussite économique sera à évaluer en fonction de nombreux critères et selon les facteurs déclenchants de ces investissements. La promesse économique paraît intéressante.
Et en termes d’applications ?
Ces technologies vont changer nos habitudes, tant au niveau de la gestion des réseaux de distribution, de la commercialisation que des usages. Pour la distribution, on peut évoquer la mise en place d’une infrastructure de comptage évoluée, un meilleur diagnostic des incidents, la dématérialisation des interventions ou encore l’auto-contrôle ou l’auto-réparation du réseau. Au niveau de la commercialisation, le Smart Grid permettra d’améliorer la relation clients, de proposer des offres tarifaires optimisées et la vente de services additionnels. Les usages domestiques commencent à fleurir.
Il semblerait que les Etats-Unis aient pris un temps d’avance ?
Chez Capgemini Consulting, nous avons en effet observé que l’Amérique du nord était légèrement précurseur. D’abord en raison du stimulus économique du plan d’Obama. Le Président a cité le Smart Grid comme un axe de développement dans son discours d’investiture. Il faut dire aussi que les infrastructures d’acheminement d’électricité ont davantage besoin d’être modernisées en Amérique du Nord qu’en Europe. Une autre raison tient à l’existence d’opérateurs d’électricité intégrés alors qu’en Europe le marché est dérégulé et a vu la séparation entre producteurs, opérateurs de transport, de distribution et commercialisateurs. En revanche, les Etats Unis vont être handicapés par la taille de leurs réseaux électriques, les importantes distances. Le déploiement des infrastructures de réseaux intelligents pourrait y coûter deux fois plus cher en moyenne qu’en Europe.
Et en France ?
Nous sommes dans l’âge du développement du Smart Metering, première brique du Smart Grid, via le déploiement d’une infrastructure d’échange pour le comptage évolué. Le projet Français est très avancé puisque ERDF prépare début 2010 l’implantation expérimentale de ses premiers 300.000 compteurs intelligents (ndlr : les nouveaux compteurs Linky) et se met en situation de tester les possibilités offertes ainsi pour un Smart Grid. Mais même si la France est bien positionnée, il faut réussir cette expérimentation et généraliser ensuite la technologie à l’ensemble du réseau électrique. Cela concerne ERDF mais aussi les 200 autres petits distributeurs non nationalisés pour qui la mise en place sera plus compliquée. Le financement reste une vraie question car les capacités ne seront pas couvertes par une rentabilité immédiate pour le distributeur et il faudra donc que les tarifs d’acheminement répercutent le poids de cet investissement.
Sur un plan technologique, tout est donc prêt…
L’infrastructure de Smart Metering va permettre de développer les premières versions de Smart Grid. Les technologies sont prêtes et relativement matures. La conception de ces réseaux intelligents, qui vont vivre des dizaines d’années, intègre déjà leur évolutivité. Les industriels spécialisés comme Areva T&D, GE, Cisco et d’autres proposent ainsi des offres intéressantes à leurs catalogues. Même s’il n’y a pas encore de véritables normes communes, des standards de fait sont en train de s’imposer sous la double impulsion des opérateurs et des industriels.
Quel sera le rôle des pouvoirs publics dans le déploiement ?
Aujourd’hui, les pouvoirs publics Français et Européens, sur la base des enjeux verts et de la sécurisation énergétique ont mis en place une réglementation contraignant les opérateurs énergétiques à avancer vers le Smart Grid. On va ainsi dans un premier temps obliger les distributeurs à développer le comptage intelligent. Le tarif d’utilisation des réseaux devra également être un levier. Ce sont là des projets à forts besoins capitalistiques, qui se chiffrent en milliards d’Euros. Il s’agit donc de choix stratégiques d’investissement de la collectivité.
Notre dossier spécial Smart Grid :
- L’immense chantier du Smart Grid
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- Linky, le compteur électrique intelligent débarque en France
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