Réduire l’impact carbone de l’industrie : au-delà de la seule efficacité énergétique
par 20.06.11
|Sur la scène internationale, notamment suite à leur refus de ratifier le Protocole de Kyoto sous l’administration Bush, les États-Unis ont souvent hérité du rôle de « mauvais élève ». Pourtant localement de nombreux États se sont engagés à réduire leurs émissions, et des règlementations commencent à apparaitre au niveau fédéral (1).
Vingt-trois États américains ont déjà une loi en vigueur imposant un objectif de réduction des émissions de GES avant une certaine date. En Californie, la loi Assembly Bill 32 impose par exemple d’atteindre en 2020 le niveau d’émissions de 1990. De nombreuses initiatives regroupant plusieurs États sont également en place. Par exemple, dix États du Nord-Est des États-Unis ont implémenté depuis 2007 un programme obligatoire de cap-and-trade pour le CO2.
Dans les secteurs résidentiel et tertiaire (respectivement 21% et 18% des émissions de CO2 aux Etats-Unis), les améliorations s’appuient sur des technologies connues et des méthodes éprouvées depuis plusieurs années à travers des labels « environnementaux » du type LEED (2), et qui ont permis la mise en place de code de construction rigoureux et obligatoire (3).
La réduction des émissions de CO2 dans le secteur industriel (27% des émissions totales de CO2) est plus compliquée. Le frein principal tient probablement dans l’absence de modèle d’affaires intéressant. En effet, l’industrie tente en général de réduire ses émissions par l’intermédiaire d’un seul levier : l’efficacité énergétique.
Sept leviers pour s’approcher de la neutralité carbone
Les premiers pourcents de réduction sont généralement obtenus grâce aux mesures les plus simples, donc les moins onéreuses. Les coûts engendrés sont souvent compensés par les économies d’énergie effectuées. Les réductions supplémentaires requièrent par contre des coûts initiaux plus importants qui conduisent à des temps de retour sur investissement très longs. Il devient alors très difficile d’identifier un modèle d’affaires attractif pour l’usine et/ou ses partenaires (par exemple le fournisseur d’électricité local).
Développer une approche performante pour la réduction des émissions d’une usine passe probablement par une multiplication des leviers à utiliser. À priori, on peut en envisager sept : efficacité énergétique ; énergies renouvelables ; crédits carbone ; pilotage de charge (demand response) ; stockage d’énergie sur site ; remplacement de combustible ; achat d’électricité « verte (issue des énergies renouvelables). Ces leviers sont souvent considérés de manière individuelle, et il n’y a que très peu de cas où l’industriel envisage une combinaison de plusieurs d’entre eux. Cela permet de mettre à profit des synergies entre leviers, et d’identifier un meilleur modèle d’affaires.
À titre d’exemple, le stockage d’énergie et le pilotage de charge sont deux leviers qui permettent de lisser les pics de consommation électrique. L’opérateur de réseau peut ainsi réduire sa dépendance aux sources d’énergie fossiles généralement utilisées en appoint lors des pics de demande.
Pour un industriel, un système de stockage d’énergie sur site peut permettre d’abaisser son pic de consommation électrique, pour lequel il peut être facturé jusqu’à 23$ par kilowatt par mois (en plus de ce qu’il paie pour sa consommation de kWh).
Des solutions de gestion de pilotage de charge automatisée
L’Electric Power Research Institute (EPRI) a estimé que l’installation d’un système de stockage, spécifiquement pour la réduction du pic, sur un site aux États-Unis, rapporterait en moyenne 459$ par kilowatt installé, et au-delà de 2300$ par kilowatt installé dans les 5% des cas les plus intéressants.
En outre, en participant à un programme de pilotage de charge, un industriel peut être rémunéré pour réduire sa consommation à la demande de l’opérateur de réseau. PG&E Peak Choice Program est un bon exemple de programme : pour un industriel-client acceptant de réduire sa consommation d’1 MW à n’importe quel moment de la semaine (avec 30 minutes de délai), PG&E propose de 45 000$ à 80 000$ de remboursement annuel.
Certains projets visant à combiner plusieurs leviers commencent à apparaitre, notamment en Californie. Des entreprises spécialisées (par exemple PowerIt) proposent par exemple aux industriels des systèmes intelligents de gestion de l’énergie, permettant à l’usine à la fois d’améliorer son efficacité énergétique et de participer à des programmes de pilotage de charge automatisée.
La combinaison des deux permet une réduction importante des émissions de CO2 avec des temps de retour sur investissement très intéressants (de l’ordre de quelques mois). Il est probablement possible d’aller plus loin en ajoutant des leviers supplémentaires, qu’il faut choisir en fonction de paramètres, tels que le type d’usine, les ressources locales en renouvelables (solaire, éolien, biomasse, et autres), la règlementation locale.
(1) : voir le décret “Executive Order 13415” de la Maison Blanche ; voir règle «Greenhouse Gas Mandatory Reporting » de l’Agence de Protection de l’Environnement.
(2) : Le Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) est un système nord-américain de standardisation de bâtiments à haute qualité environnementale créé par le U.S. Green Building Council en 1998.
(3) : Voir CalGREEN Code, un standard obligatoire en Californie depuis 2011 et adopté par d’autres États.
Pour en savoir plus
Pour introduire votre savoir-faire dans l’écosystème californien, participez à la conférence CAFFEET 2011 (California France Forum on Energy Efficiency Technologies) « How to achieve low-CO2 industrial plants », du 24 au 28 octobre 201 avec Ubifrance.
Bibliographie
Van Duysen, J.C., G. Méric de Bellefon, S. Jumel, “The Zero Net CO2 Industrial Plant - A Holistic Approach”, Proceedings of the 2011 ACEEE Summer Study on Energy Efficiency in Industry, Niagara Falls, NY, July 2011
Bio express de l’auteur
Nathalie Mettling, Chargé de développement Environnement à Ubifrance, San Francisco.
Elle travaille plus particulièrement dans les domaines de l’eau, de l’air et des déchets.
Cet article a été rédigé en collaboration avec :
Gabriel Meric de Bellefon, Contractor pour l’EPRI (Electric Power Research Institute)
Thomas Deschamps, Attaché Scientifique du Consulat Général de France à San Francisco
Sur le même thème : efficacité énergétique, pilotage du réseau, pilotage énergétique, ubifrance, usine