« Eco-concevoir un produit c’est bien, savoir le vendre c’est mieux »
Bonnes pratiques | 2 réactions
par 01.02.12
|Démontrer la valeur d’un produit éco-innovant ou éco-conçu relève fréquemment du chemin de croix. Un amer constat que déplorent bon nombre de dirigeants de PME éco-innovantes. Pour Karin Boras, auteur de l’ouvrage « Développement durable : l’avenir des PME » publié en janvier 2012, la communication et la commercialisation d’un produit « durable » (*) doivent répondre à certains principes de bon sens. Les nombreux cas de figure qu’elle a rencontrés lui ont permis de tirer un enseignement, qu’elle souhaite partager.
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Karin Boras
Lorsque nous avons réussi à vaincre tous les obstacles de l’éco-conception de notre produit, puis de sa fabrication, ne crions pas encore victoire. Il nous reste les obstacles du commercial et de la communication à résoudre, et surtout, à ne pas sous-estimer.
N’imaginons pas que nos clients vont se réjouir et sauter sur notre création, que notre communication va savoir servir nos ventes et que nos commerciaux vont être capables de vendre notre produit, comme cela, en un claquement de doigts.
Notre client se réjouira s’il y trouve un intérêt direct : est-ce que l’écologie contenue dans ce produit est un avantage pour moi ? Si oui, lequel ?
Par ailleurs, comme on a l’habitude de le voir, ce n’est pas parce que notre produit est écologique qu’il doit être plus cher. Si notre prix s’aligne sur ceux du marché, il se vendra ; si notre prix est plus cher, nous nous exposons à de sacrées difficultés. Alors, remettons notre ouvrage sur le métier et regardons par un questionnement différent comment innover encore plus, pour trouver des économies. La grande surprise est qu’avec ce questionnement différent - « tout en étant rentable, qu’est-ce que je fais pour la nature, qu’est-ce que je fais pour l’homme et qu’est-ce que j’apporte à la société civile » - on trouve des leviers de créativité insoupçonnés.
Les commerciaux doivent apprendre à vendre un produit « durable »
Quant à nos commerciaux, ils doivent la plupart du temps – et c’est mon expérience terrain qui me l’a enseignée, assez brutalement - apprendre à vendre un produit « durable ». Le succès réside dans le juste dosage entre l’excès et l’absence d’arguments écologiques. En effet, selon les profils, il y a des commerciaux habitués à vendre des produits classiques, mais qui sont incapables de vendre un éco-produit (même s’ils adhèrent tous aux principes). Car en fait, ils ont peur : « les bons sentiments, cela ne se vend pas. On va faire fuir notre client. » Alors ces commerciaux-là évitent soigneusement d’aborder ce sujet. Ou à l’inverse, d’autres ne parlent que des « bons sentiments », oubliant même qu’à la base le produit satisfait un besoin précis du client ! Et dans un cas, comme dans l’autre, notre produit se vend mal.
Exemple : un constructeur national vendait un des premiers immeubles écologiques en France et basait toute sa communication sur cette différenciation. J’ai appelé : « Qu’est-ce que ce bâtiment a d’écologique ? » « Madame, c’est un immeuble comme un autre ». Je n’ai pas réussi à obtenir une seule information.
Communiquer sur l’efficacité de votre éco-produit en quatre phases
La communication aussi devient très différente. Une communication efficace pour vendre un produit éco-conçu, se déroule en quatre phases :
- L’avant vente : faisons la démonstration sur notre site internet, des qualités de fabrication, de technologie, d’usage du produit, en intégrant notamment les qualités écologiques. Démontrons, expliquons, prouvons.
- La vente : c’est la partie connue et habituelle ; nous énonçons le message qui est l’avantage direct du consommateur par rapport à l’usage du produit, mais aussi le message qui présente l’intérêt pour le consommateur ou l’utilisateur de la part d’écologie contenue dans le produit. Ce sont notre slogan, nos arguments très percutants.
- L’achat : aujourd’hui, beaucoup de personnes ne se laissent plus vendre quelque chose, mais l’achètent. C’est là que nous allons placer tous nos arguments en matière de responsabilité sociétale, qui font notre différence par rapport à notre concurrence et qui vont nous donner une longueur d’avance. Disons, mais prouvons nos actions.
- L’après-vente : comment allons-nous accompagner notre client dans la vie du produit ? Quels conseils lui prodiguer pour qu’il utilise au mieux ce que nous avons créé ? Comment l’éduquer dans cet usage, peut-être un peu différent de ce que nous connaissons ? C’est de la pédagogie d’usage.
Et puis, notre marque ? Quels ferments contient-elle qui soient une nouvelle promesse qui donne du sens ? Une marque durable est fiable au niveau économique, vivable au niveau écologique, enviable au niveau social et viable au niveau sociétal.
Car n’oublions pas que l’entreprise, c’est ce qui donne confiance ; le produit c’est ce qui se vend ; et que la marque c’est ce qui donne envie. Même, en développement durable, et d’autant plus, en développement durable.
(*) : Les principes de communication et de commercialisation d’un éco-produit exposés dans cette tribune sont extraits du chapitre 4 - « Révolution marketing » - de son livre.
Bio-express de l’auteur
Depuis vingt-cinq ans, Karin Boras est une femme de PME. Elle a exercé des fonctions variées (responsable des ventes, directrice commerciale, directrice marketing et développement durable…). Elle est aujourd’hui auteur, consultante en PME-PMI durable et conférencière, avec comme objectif de rendre simple le développement durable.
En savoir plus sur le livre de l’auteur
En rédigeant son livre « Développement durable : l’avenir des PME – Pour une économie partenariale », Karin Boras matérialise son engagement à léguer aux dirigeants de PME son expérience terrain en matière de bonnes pratiques durables. RSE, ISO 26000, combien de patrons de PME pensent que le développement durable n’est pas fait pour eux, qu’il est réservé aux seules grandes entreprises ? Karin Boras souhaite dédramatiser le développement durable en rendant facile la compréhension des enjeux. Par un langage direct qui interpellera le dirigeant de PME, elle entend leur donner envie, et leur fournit des outils simples de mise en pratique. Au travers de 22 exemples de PME, son ouvrage édité chez Afnor Editions démontre que développement durable et rentabilité font bon ménage. A noter que 15% de ses droits d’auteur sur cet ouvrage seront reversés à Emmaüs France.
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Marchal René | 8.02.12 à 16.59
Très bon article avec des arguments percutants. Effectivement, le prix reste un frein aux produits écologiques. Avec le temps et l’augmentation structurelle du pétrole et de ses dérivés pétrochimiques, avec l’accroissement de la production des bio plastiques, ce frein devrait disparaître rapidement. Une seule lacune dans cet argumentaire, quand on parle du prix, il serait également judicieux d’y inclure dorénavant les taxes de recyclages, les taxes carbone et le coût des dommages collatéraux engendrés par les déchets plastiques sans vouloir polémiquer sur les dégâts environnementaux et financiers générés par le réchauffement climatique de notre planète